“On vient à Nouméa pour travailler, mettre les enfants à l’école, mais pour un Kanak, c’est impossible d’arrêter de cultiver la terre, même en ville”. Victoria Bolo vit au squat de Sakamoto depuis 20 ans. Dans toute l’agglomération de Nouméa, ils seraient plus de 8000 à vivre comme elle dans ces zones d’habitat précaire. Ils viennent de la province Nord, des Iles Loyautés, de Wallis et Futuna ou du Vanuatu. Mais même déracinés, ils restent proches de la terre. Les parcelles verdoyantes entre les cabanes, c’est peut-être ce qui fait l’originalité de ces “bidonvilles” à l’océanienne. Subsistance, embellissement du cadre de vie, coutume et traditions. Chacun plante arbres fruitiers, plantes médicinales, manioc, ignames et taros pour ses propres raisons, dans les squats de Sakamoto, Kawatii, Yelos ou Caillou bleu. Les squats n’existent qu’en Province Sud, aux abords d’une capitale hypertrophiée. Mais dans le Nord de l’archipel, en langue Némi, les Kanak ont une expression végétale pour évoquer le dialogue qui invite à la réflexion. “Kan Falik”, veut dire “bouture de parole”. Nouméa, Nouvelle-Calédonie, 2010 - © Laeïla Adjovi Cette série a exposée en 2010 dans le cadre d’une exposition avec l’artiste plasticienne Laurence Verduci à la galerie Onze et demi, à Nouméa.
| De la verdure sous la tôle - Sakamoto est un squat à flanc de colline, sur la route qui descend du rond-point de la vierge à Nouméa. C’est un terrain municipal où l’habitat spontané ne cesse de s’étendre depuis 1989. Aujourd’hui une soixantaine de familles vivent là, surtout des Kanak, des Vanuatais, et des Wallisiens. Ils sont regroupés en associations et ont obtenu des compteurs pour l’eau courante. | Dans les jardins d’Anna - Les femmes se réunissent souvent dans les jardins et les espaces de culture des unes et des autres pour causer et se retrouver. | Générations - Alexia, 3 ans, la fille d’Elvina. Elles sont venues rendre visite à Anna et son mari Marcel, qui vivent à Sakamoto depuis 3 ans. | Amitié - Victoria (à droite) et Anna sont amies depuis longtemps. Victoria Bolo est la présidente de l’association du squat de Sakamoto depuis deux ans. L’asso organise des bingos le samedi et des journées à la maison commune. | Tribus urbaines - Victoria et Marie, dans le champ de Marie, une quinquagénaire d’Ouvea qui vit à Sakamoto depuis plus de 20 ans. A la dernière reunion avec direction du logement, Victoria et d’autres présidents d’associations de squatteurs ont déposé une feuille de doléances. Le but : aménager ces zones d’habitat précaire. “De toute façon, ils nous ont dit qu’ils n’ont pas de place pour reloger tout le monde, dit Victoria, alors ils n’ont qu’à nous laisser des espaces pour faire des tribus à la ville”. | Cultiver - Eva Ofa s’est installée il y a une quinzaine d’années au squat de Kawatii. « J’habitais dans un petit appartement, mais je venais ici le week-end pour cultiver du manioc, des bananes et du taro, se souvient-elle. C’était juste pour se nourrir ». Deux ans plus tard, elle a fini par s’installer là. Aujourd’hui, manguiers, bananiers, citronniers, letchis, papayes et tomates peuplent son potager, et la cabane est devenue une maison. | Le taro et l’igname – Ces tubercules sont fondamentaux dans la culture kanak mais aussi dans les archipels voisins, notamment Wallis et Futuna. Parties intégrantes de l’alimentation, les ignames sont également échangés lors des cérémonies coutumières. Symboliquement, l’igname représente l’homme, et le taro (photo), la femme. | Hospitalité - Originaire de Houailou, Evelyne vit au squat de Yelos depuis 1997. En saison fraîche, elle plante du manioc, des patates. Elle était méfiante la première fois qu’elle m’a vue avec l’appareil. ”D’abord, t’es qui toi?” Et puis là finalement, c’est café, crêpes de bananes et causerie. On se pose avec ses filles, Mélissandre, 12 ans, et Aurore, 1 ans. Francisca, la jumelle de Mélissandre, se cache. On lui a coupé les cheveux ce matin et elle boude. | Baana - En langue Nengone, le "baana" désigne une plante à graines qui ressemble à la lentille. Selon Divinea, ça pousse facilement dans le squat de Sakamoto. Venue de l’île de Maré vers la capitale pour trouver du travail, elle s’est installée là après plusieurs mois où elle campait sur la plage avec ses trois enfants. | Tabac - Outre les cultures vivrières, les Wallisiens et Futuniens plantent aussi du tabac qu’ils font sécher et préparent avant de le fumer. Ici, Thérèse pose devant les plants de tabac qui sèchent dans une pièce de sa maison, au squat de Sakamoto. | Solidarité - Caillou Bleu. C’est le nom d’un autre squat en bord de route. A l’entrée, un champ d'un hectare est cultivé par des vieux originaires de Wallis et Futuna. Parmi eux, le président de l’association du squat, Selelino Lajekula (premier plan). Il vit au squat depuis 1994, et a choisi ce lieu précisément pour cultiver ses taros. Il fait aussi pousser du manioc, des bananes, et bien sûr des ignames. “Pour manger, et pour la coutume. Et si des familles viennent nous en demander, on leur donne.” | Retraité du nickel - Silipeto Mulikena est venu en Nouvelle-Calédonie dans les années 70 pour travailler dans l’usine de nickel. Il vit en appartement, mais vient chaque jour travailler la terre avec ses compagnons avant de rentrer le soir, car sa femme ne veut pas dormir au squat. | Faire une pause - Près du champ que cultive le groupe d’amis, Jean Soane prend une pause en fumant du tabac wallisien. | Communier avec la terre - Un cultivateur assis dans son champ, au squat de Kowékara. | Mon oeil - Lors d’une après midi de jeu avec des enfants du squat de Yelos, Wilson, 3 ans, a chipé l’appareil de mon amie Laurence et m’imite en train de prendre des photos. |