Souvent, on les entend avant de les voir. Le tintement des grelots et le grondement des tambours les devancent dans l’arène. Puis apparaissent des danseurs aux atours flamboyants, couronnés de masques parfois aussi hauts que des tours de bois, sertis de fables colorées, de messages sociaux et de symboles de pouvoirs. La mascarade est codifiée, émaillée de prières, de chants et de louanges. Après des siècles d’existence, le patrimoine Guèlèdè, proclamé chef d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité par l’UNESCO en 2001, n’a rien perdu de sa superbe. Pour être l’un des joyaux de l’héritage culturel Yoruba, le Guèlèdè ne saurait être réduit à une simple danse. C’est une société de masques indétachable d’un ensemble de rites, de mythes et de rythmes, et d’un culte dédié aux esprits des Mères – ‘Awon Iya’ en langue yoruba. Le village d’Ofia, à un jet de pierre de Kétou, est décrit comme l’un des premiers points d’ancrage du Guèlèdè au Bénin. C’était avant que le « Danxomè» ne devienne le « Dahomey », avant que le Dahomey ne soit le Bénin. Quand les frontières du royaume de Kétou et autres empires précoloniaux dessinaient les seules cartes. A cette époque donc, la tradition Guèlèdè a voyagé d’Ilobi, au Nigéria, vers Ofia. « Ils ont envoyé une délégation à Ilobi et les gens ont été initiés là-bas, avant de revenir implanter ça à Ofia, précise Basile Adekambi, conservateur du musée privé du Guèlèdè à Kétou. A partir de ce moment, Kétou en a hérité, puis au moins une douzaine de localités dans la commune, puis, des gens qui ne sont même pas de locution Yoruba, comme les Fons et les Minas. Et puis il y a eu le Togo, le Ghana, l’Amérique, Bahia au Brésil, un peu partout… » Investies dans la défense de leur patrimoine, certaines femmes d’Ofia posent la question lancinante de la folklorisation, de la conservation et de l’oubli. « Dans certaines cérémonies, les gens ne maîtrisent plus les rituels. Il faut chercher et trouver ceux qui les maîtrisent, les faire parler, noter, répertorier les rites et assurer la transmission, pour que le Guèlèdè garde sa profondeur et sa richesse ». Les mères ont parlé. Au nom des Mères qui veillent. Photographies numériques prises en mars 2017 à Ofia, Bénin - © Laeïla Adjovi | Bernardin Adebayo sculpte des masques Guèlèdè depuis plus de trois décennies. Sur ses masques, des paraboles animalières ou des symboles de pourvoir. Le sculpteur est aussi danseur de Guèlèdè, et manie l''akpala', ce pipeau qui marque le début des danses nocturnes. Ofia, Bénin, 2017. ©Laeïla Adjovi | Lors d'une manifestation diurne de Guèlèdè à Ofia, des femmes forment une ronde de danse. Elles sont de plus en plus impliquées dans l'organisation des spectacles et rites Guèlèdè. Ofia, Bénin, 2017. ©Laeïla Adjovi | Lors de ces danses effectuées pour célébrer les esprits de 'nos mères', figures féminines des ancêtres, les costumes et les masques sont portés par des hommes ou de jeunes garçons. Leur accoutrement est composé le plus souvent d'un costume de couleur rouge, d'un tissu jaune ou blanc pour cacher leur visage, et de grelots aux chevilles. Ofia, Bénin, 2017. ©Laeïla Adjovi | Dans cette danse appelée "Agbaluka", les masques féminins, avec un costume reconnaissable à leurs fausses fesses, sortent les premiers. Ofia, Bénin, 2017. ©Laeïla Adjovi | Jean Idohou, 14 ans, et Germain Abiodoun, 12 ans sont danseurs Guèlèdè depuis plusieurs années déjà, coachés par un des animateurs culturels les plus connus de Kétou, Clement Laleye. Ofia, Bénin, 2017. ©Laeïla Adjovi | Des danseurs Guèlèdè portant des masques masculins poursuivent la danse "Agbaluka". Ofia, Bénin, 2017. ©Laeïla Adjovi | Entre deux danses, une petite fille entre dans l'arène, sous les applaudissements. Ofia, Bénin, 2017. ©Laeïla Adjovi | Elegbara s'apprête à clôturer la danse. Comme le Legba des Fons, il joue le rôle de protecteur. Ofia, Bénin, 2017. ©Laeïla Adjovi | Pour marquer sa puissance et amuser la galerie, Elegbara fait coucher au sol certains des plus jeunes spectateurs. Ofia, Bénin, 2017. ©Laeïla Adjovi | Omolasho Ibitoku, 'Iyalode' d'Ofia. Désignée par le roi il y a plus de 15 ans, cette représentante des femmes assume la plus haute fonction féminine dans un royaume Yoruba. Elle salue le fait que la place des femmes soit aujourd'hui plus importante dans l'organisation des rites Guèlèdè. Ofia, Bénin, 2017. ©Laeïla Adjovi | Thérèse Ibitokou, 'Atchodju' d'Ofia. La sexagénaire, chargée de relayer toute information concernant les femmes dans le village, a constaté que leur plus grande implication dans le Guèlèdè a permis le développement de cette pratique culturelle et cultuelle. Ofia, Bénin, 2017. ©Laeïla Adjovi | Adjima Sande, agée de 12 ans, a déjà joué le rôle d''Arugba' à cinq reprises. Lors de la danse Guèlèdè, 'Arugba', qui signifie 'porteuse de calebasse' en Yoruba, est une jeune vierge désignée dans la famille des danseurs. Elle arrive en éclaireur juste avant la sortie d'Efe, le masque le plus important. La calebasse fermée qu'elle porte sur la tête symbolise la puissance d'Awon Iya. Ofia, Bénin, 2017. ©Laeïla Adjovi | Marguerite Adjahi s'occupe de ses frères et beaux frères quand ils dansent en coulisse, jouant ainsi de manière informelle le rôle de 'Iyaidjo'. Elle affirme que ses ancêtres font partie de ceux qui ont amené la danse Guèlèdè d'Ilobi au Nigéria jusqu'à Ofia. Ofia, Bénin, 2017. ©Laeïla Adjovi | Marie Abiodoun, 'Iyalashè' d'Ofia. C'est la maîtresse du culte Guèlèdè, celle qui entretient le couvent, prie en amont de chaque cérémonie, et assume un rôle important pendant les danses. Ofia, Bénin, 2017. ©Laeïla Adjovi | La partie la plus sacrée des rites Guèlèdè se tient la nuit. Ofia, Bénin, 2017. ©Laeïla Adjovi | Chants et danses nocturnes avant la sortie du masque Efe. Ofia, Bénin, 2017. ©Laeïla Adjovi | La sortie d'Oro Efe, la vedette des Guèlèdè, est précédée de l'arrivée d' 'Arugba'. Dans sa calebasse, la puissance mystique et la connaissance de nos mères, 'Awon Iya'. Ofia, Bénin, 2017. ©Laeïla Adjovi | La jeune porteuse de calebasse dansera aux côtés d'Oro Efe, sans sourire. Elle symbolise la présence des mères, qui veillent. Ofia, Bénin, 2017. ©Laeïla Adjovi | Efe est le Guèlèdè le plus incontournable. Il serait à la fois humain et divin. Ses chants peuvent être louanges ou satire sociale, mais portent toujours un message fort à la communauté. Ofia, Bénin, 2017. ©Laeïla Adjovi |