Installé la tête du pays depuis presque trois décennies, l’ancien président Burkinabé Blaise Compaoré pensait sans doute obtenir des prolongations. Il est vrai que jusqu’ici le Burkina Faso – littérallement “le pays des Hommes intègres” en langue Moré, une des langues locales – était connu pour une certaine stabilité politique. Du coup, malgré les mutineries dans l’armée et la grogne sociale qui montait depuis quelques années, Compaoré a dû se dire que ça allait passer. Après tout, pour se représenter à la présidentielle de 2015, il suffisait d’une petite rature sur la constitution. Ouagadougou, octobre 2014 - © Laeïla Adjovi | Le 30 octobre, les manifestations ont débuté tôt le matin dans plusieurs villes du pays. A Ouagadougou, les axes majeurs de la ville étaient bondés. | Les forces de sécurité bloquaient l’accès vers le parlement et tentaient de contenir la foule. De nombreux manifestants – souvent très jeunes – se protégeaient de la brûlure des gaz lacrymogènes en s’appliquant du beurre de karité sur le visage et un chiffon sur le nez. | Plus on approchait de 10 heures, l’heure prévue pour le début des débats au parlement, plus la foule s’épaississait. | Certaines affaires, comme la mort du journaliste Norbert Zongo assassiné en 1998 dans des circonstances encore non élucidées, ou même les circonstances de l’assassinat de Thomas Sankara pourraient amener Blaise Compaoré à devoir répondre devant la justice. | Des leaders du mouvement Balai Citoyen, comme ici le chanteur Smockey, ont encouragé les manifestants à rester calmes et disciplinés et à faire usage de la désobéissance civile plutôt que la violence face aux forces de l’ordre. | La police et l’armée ont tenté d’empêcher les manifestants d’avancer vers le parlement. | Mais c’était déjà trop tard. Après que des coups de feu ont été entendus et que les députés ont pris la fuite, la foule est entrée dans l’enceinte du parlement. Les véhicules garés devant ont été brulés. | Dans la confusion générale, des véhicules de police ont été volés, le bâtiment pillé et incendié. | Le parlement a été pillé et détruit. | A ce moment-là, les forces de l’ordre avaient quitté les lieux. Certains jeunes s’amusaient avec des équipements anti-émeutes abandonnés par la police. | Une épaisse fumée a rempli le ciel de la capitale, alors que la foule criait victoire. | Tout près du parlement, un hôtel qui avaient hébergé des députés présumément complices du pouvoir a été attaqué. Les vitrines des boutiques adjacentes ont été brisées et pillées. | Dans la foule, certains citoyens ont tenté d’empêcher la casse. Faisant la garde devant les boutiques, ils disaient “le boutiquier est peut-être dans la manifestation avec nous. Ne ternissez pas une noble cause.” | Les chambres, le bar, la salle de restaurant, tout a été saccagé et détruit. Certains meubles de jardin ont atterri dans la piscine. | Le soulevement s’est poursuivi toute la journée, se dirigeant ensuite vers le palais présidentiel. Plusieurs manifestants ont alors été tués - la garde présidentielle est accusée d’avoir tiré. En fin de journée, le projet de loi pour le changement constitutionnel était retiré et l’armée déclarait l’Etat d’urgence. | Le lendemain, après l’annonce de la démission de Blaise Compaoré et de la dissolution de son gouvernment, les rues de Ouaga étaient pleines d’une foule en liesse. |