Les ”Boudioumans ” sont les petites mains qui trient les déchets que l’on oublie aussitôt après les avoir jetés. A Mbeubeuss, la grande décharge de Dakar, où 475 000 tonnes d’ordures arrivent chaque année, près de deux milles hommes, femmes et enfants fouillent, trient et récupèrent parmi les détritus ce qu’ils peuvent revendre. « Les gens disent que c’est des ordures, mais pour nous c’est de l’or…. dur », ironise Pape Ndiaye, membre de l’association Bok Diom, qui regroupe près de 800 récupérateurs. Série argentique, développement et tirage personnels. Dakar, Sénégal, février-juin 2011 - © Laeïla Adjovi | ![]() Baol - Une femme dans le quartier de Baol, semble ne faire plus qu’un avec les ordures. En plus d’une plateforme où se déversent les centaines de camions-benne, la décharge est constituée de deux parties. A Gouye gui (“Baobab” en wolof), on traite plutôt les déchets industriels, et à Baol, véritable bidonville dans la décharge, on s’occupe des ordures ménagères. | ![]() Devant chez Tabaski - De jeunes apprentis s’affairent devant l’emplacement d’un récupérateur appelé Tabaski. A Mbeubeuss, il y a ceux qui n’ont pas de cabane, et qui ne font que trier, parfois sans gants et sans chaussures fermées. Les autres, plus anciens, et plus « nantis », ont un emplacement fixe, un abri et des apprentis. | ![]() Pesée - Ibou ne sait pas quel âge il a. A Baol, Raphaël, le récupérateur qui se chargera de la pesée de son maigre butin lui donne 8 ou 9 ans. Il n’a pas l’air d’en avoir plus de 6. Des deux kilos de ferraille qu’il a ramassés, il tire 200 francs CFA (environ 30 centimes d’euros). | ![]() Canal - Près du canal de Baol, les gens sont souvent originaires de l’intérieur du Sénégal, de la région de Diourbel. Là-bas se trouve une ville nommée Baol, dont ce quartier de Mbeubeuss a hérité du nom. | ![]() Butin - Ndei Diagne, les bras chargés du butin de la matinée. Selon sa chance et sa moisson du jour, un récupérateur peut gagner jusqu'à 5000 francs CFA (9 euros) par jour. | ![]() Manège - Quelques 400 camions traversent chaque jour la décharge. Les opérateurs privés s’arrêtent à Gouye Gui, près de l’entrée du site, alors que les camions-benne de la municipalité vont décharger sur une plateforme au cœur de Mbeubeuss. | ![]() Survie - Assis par terre, Nguira fait le ménage. Créer un ilôt d’ordre au milieu de l’océan d’ordures qui le cerne de toutes parts n’est pas simple. Il a commencé à travailler à Mbeubeuss à l’âge de14 ans. Puis a tenté de faire autre chose. Maçon, chauffeur de voiture ou de machine-outil. Mais le travail était de plus en plus rare. “Quand au bout de deux ans, je rentrais toujours sans rien tous les jours à la maison, ma femme m’a dit « fous-moi le camp ! »”. | ![]() E-waste - Parmi les immondices, on trouve de plus en plus de déchets issus des équipements électriques et électroniques, que les initiés appellent « D3E », ou « e-waste ». Réfrigérateurs, ordinateurs, claviers, ou imprimantes, tous les rebus de la technologie sont cassés et démantelés pour y récupérer plastique, cuivre, fer, plomb ou les précieux processeurs. Mais il y a aussi des matières toxiques dans le ventre des machines. Sans formation adéquate, le recyclage sauvage des D3E pose des risques pour la santé des récupérateurs et pour l’environnement. | Rêve - A 22 ans, ça fait déjà 13 ans que Moustapha Thiam travaille à Mbeubeuss. Au-dessus de la porte de la cabane, des gris-gris doivent protéger les travailleurs et leur amener bonne fortune. Si la décharge ferme, Moustapha rêve de travailler dans un garage en banlieue de Dakar. | ![]() Charrette - Le fait d’avoir un attelage est une grande richesse pour les Boudioumans. Lamine Sané, 20 ans, dont 10 à la décharge, m’a dit un jour : « Si ça ferme ici, c’est pas grave, je resterai concentré, avec ma charrette et mon cheval ». | Poupée de chiffon - On trouve même des jouets au milieu des détritus. Mais les nombreux enfants qui travaillent ici ne les ramassent pas. Sauf s’ils peuvent les revendre ou en tirer quelque chose. | ![]() Petits pas - Aliou a 9 ans. Quand je lui demande depuis combien de temps il travaille ici, il répond « très longtemps ». Il ne porte pas de chaussures de sécurité, pas de chaussures du tout. « Les enfants ne devraient pas avoir le droit d’entrer à la décharge, affirme le secrétaire général de l’association Bok Diom, qui rassemble quelques 800 récupérateurs. Mais il n’y a aucun contrôle de l’Etat ici. » | ![]() Risques - Modou Sow trie et récupère tout, en particulier le fer et le cuivre. Il admet que c’est dangereux de faire brûler les fils pour récupérer le cuivre, “mais on travaille avec les risques”. Ses enfants sont encore petits, il ne les amène jamais ici. | ![]() Tapis - Certains chemins de Mbeubeuss sont tapissés d’aluminium. Cannettes ou conserves sont placées sur la voie où défilent les camions pour aplatir la matière et la ranger plus facilement dans de grands sacs. Toutes les matières premières se vendent au poids, ici même, sur le site. | ![]() Et après ? - Depuis plusieurs mois, Fatou Ndiaye, qui n’a pas 20 ans, travaille sur l’emplacement de Pape Ndiaye. Elle a arrêté l’école tôt, et passe maintenant ses journées à ramasser le fer, le plastique, ou l’aluminium. Quand la décharge fermera, elle « ne sait pas » ce qu’elle fera. Elle s’en remet au ciel. Selon Pape Ndiaye, qui travaille à Mbeubeuss depuis 40 ans, « Dieu ne ferme jamais toutes les portes ». |